
Elle en parle si bien qu'on est brûlé par l'envie, uniquement rhétorique, de la bombarder meilleure chanson sur le sujet, avant de se rendre compte qu'on en connaît pas d'autre, tout bien réfléchi, et ne souhaite pas qu'il en soit autrement, qu'a priori s'attaquer à ce type de récit ne peut déboucher que sur du mauvais goût - mais eux le font, et qui d'autre d'ailleurs le pouvait, et l'a toujours pu, puisque c'est un peu le sujet permanent du groupe, et qu'ils sont bien les seuls à pouvoir le faire, avec autant de délicatesse, de morbidité capiteuse, de constance...
Qui d'autre, pour narrer ainsi, avec la tendresse qu'on prend pour caresser la rousse chevelure d'un cadavre, comment ignoré de tous et misérable on rentre chez soi et se met fin, dans un silence du monde affreux, dans une soupente sordide, avec la lenteur des choses dernières et pourtant en trois pauvres gestes vite achevés : en un couplet c'est déjà plié, t'as qu'à voir (deux, probablement, mais coupés par aucun véritable refrain parce que ce n'est pas l'humeur, de faire des parties pop bien définies lorsque le moment est celui où tout s'en va dans l'évier) ; et lorsqu'on a brutalement réalisé cela, le solo façon décollage alors prend un sens nouveau, à te démontrer que les chairs de poule multiples que tu te payais déjà n'étaient encore qu'un avant-goût, de ce que contient réellement le morceau comme poison violent...
Oui, "Can't Talk" est ce qu'on appelle communément un morceau monstrueux. Même placé comme il l'est avant lui, le malheureux "Give and Take" souffre un peu - mais souffrir c'est bien, et un disque de Hangman's Chair est fait pour cela - de n'être qu'un morceau excellent en tous points ; et il faut un certain nombre d'écoutes du disque, toutes effectuées en répétant au moins deux fois "Can't Talk", pour se rendre compte qu'il est même un peu mieux que cela - excellent - puisqu'après tout il est du Hangman's Chair, et même pas de la chute de studio, mais de la viande bien fraîche, pour autant que l'adjectif puisse s'employer concernant le groupe dont on parle. Oui, il a du mal à exister, malgré sa grande valeur, et la nouvelle preuve qu'il apporte d'un talent littéralement sans pareil : en résumé, Alice in Chains, Life of Agony, Acid Bath, oui encore et toujours, et toujours et encore en au moins aussi bien, ce que TRÈS peu de groupes (qui, au fait ?) peuvent prétendre accomplir - et avec une dose de cold wave qui continue d'aller croissant et florissant depuis This is Not Supposed to Be Positive.
Le morceau de Greenmachine, lui, n'existe même pas.